Résumé
Cet article traite des discours professionnels sur le risque lié à la consommation d’alcool pendant la grossesse. Si le risque alcool et grossesse est défini comme un risque fœtal par l’ensemble des acteurs de la santé et de la prévention, il n’a en revanche pas d’existence clinique dans la mesure où aucun soignant ou presque n’a vu, pendant sa carrière, de mère à risque ou d’enfant victime de l’alcool in utero. C’est au regard de ce paradoxe que nous proposons de qualifier ce risque de risque orphelin. Dans une première partie, prenant appui sur la sociologie de Dorothy E. Smith, nous exposerons les impensés liés à l’analyse du risque alcool et grossesse en termes de « fiction sociale ». L’alternative réaliste proposée par Smith nous permettra, dans une seconde partie, d’identifier les différents registres mobilisés par les acteurs dans leur définition du risque, des registres tous unis toutefois sous la bannière de la « femme alcoolique », incarnation emblématique du risque. L’analyse de ces discours nous amènera à évoquer une éventuelle disjonction entre la définition du problème telle qu’elle est formulée à la troisième personne et l’expérience du risque telle qu’elle est vécue à la première personne.