Résumé

En 2008, une loi restaurant l’interdiction de mendier est entrée en vigueur à Genève, faisant de ce canton le premier en Suisse francophone à avoir adopté une loi en la matière et lançant un débat contemporain sur cette question. Cette loi est alors considérée par les uns comme une mesure nécessaire pour réguler un afflux croissant (ou perçu comme tel) de personnes identifiées comme Roms. D’autres qualifient cette loi de « punition de la misère ». Dix ans plus tard, la loi n’a pas fait disparaître la mendicité, mais elle a eu un effet de précarisation des personnes qui mendient. Comment comprendre le choix de cette mesure de gestion de la cohabitation dans l’espace public et quels sont ses effets pour les personnes concernées ? À partir des résultats d’une enquête menée à Genève entre 2013 et 2015, cet article montre que si cette loi n’a pas fait disparaître la mendicité, c’est parce qu’elle réduit cette pratique à problème d’ordre public plutôt que d’offrir des alternatives de participation sociale aux personnes concernées. En effet, dans les débats politiques, cette pratique est présentée comme un problème d’ordre public, qui appelle une régulation fonctionnelle de l’espace. Mais pour les personnes qui y recourent, elle constitue une manière paradoxale de prendre sa place dans la société, à partir de la marge.

In 2008, a law restoring the ban on begging came into force in Geneva, making it the first canton in French-speaking Switzerland to have adopted a law on the subject and launching a contemporary debate on the issue. This law was seen by some as a necessary measure to regulate a encreasing inflow (or perceived as such) of people identified as Roma. Others describe the law as a «punishment for misery». Ten years later, the law has not eliminated begging, but it has precarized the situation of beggars. How can we understand the choice of this measure to manage cohabitation in the public space and what are its effects for the people concerned? Based on the results of a survey conducted in Geneva between 2013 and 2015, this article shows that if this law has not made begging disappear, it is because it reduces this practice to a problem of public order rather than offering alternatives for social participation to the people concerned. Indeed, in political debates, this practice is presented as a problem of public order, which calls for a functional regulation of space. But for those who resort to it, it is a paradoxical way of taking one’s place in society from the margins.

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