Résumé

Cette contribution se propose de discuter un siècle d'engagement féministe autour de la politique publique en matière de chômage en Suisse.1 L'historiographie féministe de l'État social, à laquelle Brigitte Studer a beaucoup contribué, a entre autres souligné le rôle joué par divers mouvements féministes dans la mise en place de la sécurité sociale, en Suisse comme dans d'autres pays. Les études ont en particulier insisté sur le rôle du « féminisme maternaliste » dans la première moitié du siècle: des courants féministes majoritaires à cette période et qui ont promu, souvent dans une vision essentialiste de la différence des sexes, la protection des femmes en tant qu'épouses et mères. Si un intérêt certain a été porté par les courants féministes majoritaires de la première moitié du 20ème siècle à l'assurance maternité et aux prestations pour les veuves, l'analyse des prises de positions et initiatives féministes en matière d'assurance chômage permet de souligner une autre face de l'engagement féministe en matière de protection sociale. Ainsi, cette contribution montrera comment au cours du zoème siècle des féministes issues du mouvement ouvrier, mais également des organisations de femmes proches des milieux politiques bourgeois, se mobilisent en faveur de l'amélioration de la protection des chômeuses. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux initiatives et positions tenues par les militantes socialistes et communistes, ainsi que par l'Alliance de sociétés féminines suisses (ASF). Nous discuterons également du rôle de la deuxième vague féministe des années 1970 dans l'émergence de nouvelles revendications en matière de chômage. Nous optons ainsi pour une définition large du «féminisme» qui intègre tous les engagements en faveur de l'autodétermination, de la participation et des droits des femmes, tout en rendant compte de l'hétérogénéité, ainsi que des tensions et polarisations au sein du «champ féministe».3 Dans un premier temps, nous verrons comment, jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, l'engagement féministe en matière de défense des chômeuses est étroitement lié à la défense du droit à l'emploi des femmes. Nous aborderons ensuite le rôle des féministes dans la mise à l'agenda de la question de l'égalité de traitement lors de la révision de l'assurance chômage à la fin de la guerre. Enfin, nous analyserons l'émergence de nouvelles revendications féministes en matière de chômage lors des révisions des années 1980 et 1990, autour notamment d'une prise en compte du travail domestique.

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