Si les spationautes sont des laborantins, ils sont aussi des curateurs de leur espace de travail et de vie. Les archives photographiques des programmes spatiaux laissent en effet entrevoir que la présence des images dans les véhicules orbitaux ou dans les stations est constante : par-delà le passage obligé que constituent les portraits de leaders politiques ou de grandes figures de l'histoire de l'astronautique, de Brejnev à Tsiolkovski en passant par Gagarine, ceux qui partent dans l'espace emmènent avec eux des photographies de leurs proches, des dessins de leurs enfants, des images de paysages aimés. Si certaines images ont une fonction mémorielle (comme celle de l'équipage de la mission STS-51-L disparu lors de l'explosion de la navette Challenger, que l'on retrouve, deux ans après le crash, accrochée dans l'habitacle de Discovery), d'autres servent à créer un sentiment domestique, à rêver, ou à garder un lien avec la Terre. Ces images embarquées sont ainsi les manifestations d'intentionnalités multiples et elles sont prises dans un réseau de relations sociales. Galina Balashova, architecte intérieure historique du programme spatial russe, ne s'y trompa donc pas lorsqu'elle prit en compte ce besoin d'images, et réalisa une petite dizaine d'aquarelles de paysages pour "égayer la capsule" Soyouz. De quelle typologie d'images les spationautes s'entourent-ils? Quelle(s) fonction(s) assurent-elles dans un contexte spatial marqué par le confinement, le danger, et le manque d'espace privé? Et que nous disent ces images embarquées des images terrestres? Combinant une approche anthropologique portant notamment sur les fonctions sociales des images, et une approche esthétique, cette communication s'intéressera à la manière dont les images peuvent produire, dans l'espace mais aussi sur terre, de l'habitabilité. Elle s'appuiera pour cela sur une analyse d'un corpus d'archives photographiques des programmes spatiaux. Galina Balashova, "Des espaces aménagés", entretien avec Gérard Azoulay, in Art press 2, no 44, 2017, p.53